Naissance de la G.M. et formalisation du M.O.

  • Par le CDT Laurent López
  • Publié le 29 décembre 2021
Gardes mobiles durant les années 1930.
© SHD

1921, naissance de la gendarmerie mobile ; 1930, Instruction confidentielle sur le maintien de l’ordre. Il existe une interaction entre cette première description de ce que doivent être le maintien de l’ordre et la formation militaire qui en est alors prioritairement chargée depuis quelques années.

À partir de l’automne 2018, le jaune devenait à la mode sur les ronds-points et dans les cortèges, se substituant à une couleur rouge étroitement liée à l’histoire des manifestations depuis 1791. Rapidement, le mot « doctrine » faisait florès dans les médias pour parler des modalités de l’action de la force publique lors de ces épisodes de maintien de l’ordre. Les gendarmes mobiles étaient alors particulièrement exposés et la qualité de leur formation en la matière faisait l’objet d’analyses élogieuses. En cette année de centenaire d’une formation mobile de la gendarmerie, cet article voudrait insister sur les rapports entre la naissance de la « jaune » en 1921 et la première formalisation, en 1930, de principes théoriques et de modes tactiques du maintien de l’ordre.

La naissance silencieuse de la gendarmerie mobile

Une grève massive affecte des usines d’armement en France au printemps 1918, alors que la guerre fait encore rage. Face à ces mouvements sociaux, les pouvoirs publics ne peuvent compter sur une gendarmerie départementale considérablement amoindrie, car mobilisée dans les troupes de ligne ou dans la gendarmerie prévôtale. Clemenceau, ministre de la Guerre et président du Conseil depuis novembre 1917, commande en toute discrétion au lieutenant-colonel Plique et au général Bouchez de constituer des sections prévôtales au début de l’année 1918. Mais son habileté est aussi d’indiquer aux trente-six sous-officiers commandant ces sections d’une trentaine d’hommes qu’ils seront incidemment « détachés […] pour […] assurer éventuellement le maintien de l’ordre. » La pertinence de ces nouvelles unités est immédiatement reconnue, et d’autant plus que leur action ne se traduit par aucun mort.

Une autre innovation est elle-même essentielle pour comprendre pourquoi certains des projets d’avant 1914 réussissent enfin à se concrétiser. Le décret du 16 février 1918 institue ainsi une sous-direction de la gendarmerie, rattachée à la direction de la Cavalerie, recevant dans ses attributions « toutes les questions relatives à l’organisation de la gendarmerie, à l’administration du personnel (officiers et troupes), à l’inspection et à l’administration des corps de l’arme. » Le 19 février 1918, le lieutenant-colonel Joseph Plique en prend la tête et en devient le premier directeur, le 29 octobre 1920. Toujours rattachée au ministère de la Guerre, la gendarmerie nationale devient alors pleinement autonome au sein des armées.

Le nerf de la guerre

C’est cette nouvelle direction qui publie, le 15 novembre 1921, une circulaire où apparaît l’épithète « mobile » pour désigner ces nouveaux pelotons de gendarmerie. Mais, c’est la très discrète loi de finances du 22 juillet 1921, « portant augmentation des effectifs de la gendarmerie et créant un état-major particulier de la gendarmerie », qui s’avère finalement décisive pour qui chercherait une date convaincante de naissance de la « Mobile ». Le ministre de la Guerre se voit ainsi accorder des crédits supplémentaires en vue de l’augmentation des effectifs de la gendarmerie (plus de 6 000 hommes) et de la création d’un état-major particulier. La gendarmerie - cette nouvelle gendarmerie, du moins - avait alors les moyens de ses fins, si l’on ose dire. Le 10 septembre 1926, dans un décret majeur relatif au rattachement de l’ensemble des crédits destinés à l’entretien de la gendarmerie au budget du ministère de l’Intérieur, surgit l’appellation « Garde républicaine mobile ». Celle-ci est organisée en légions moins d’un an plus tard, le 16 juillet 1927.

1930, le texte fondateur du maintien de l’ordre « à la française »

Page de couverture de l'Instruction sur le maintien de l'ordre, approuvée le 30 août 1930.

© SHD

Rétrospectivement, il peut sembler étonnant qu’il ait fallu attendre l’été 1930 pour trouver, dans les 135 pages de l’Instruction sur le maintien de l’ordre, l’énoncé de ce qui pourrait être appelé une « doctrine ». En effet, on y trouve des principes, des modes d’action, mais aussi une vision de ce que doit être l’ordre public dans cette démocratie de la Troisième République, puisque « les gendarmes et gardes doivent bien se pénétrer de cette idée que leur intervention n’a d’autre but que d’assurer la liberté et la tranquillité des citoyens. »

Au-delà de sa matière même, ce document rend compte de la création de la gendarmerie mobile, structurée en 1926-1927 sous ce nom de Garde républicaine mobile. En effet, si une telle formalisation s’opère en 1930, c’est bien parce que la gendarmerie mobile est apparue neuf ans auparavant. Et, réciproquement, c’est aussi cette instruction de 1930 qui favorise l’essor de la nouvelle gendarmerie mobile dans le paysage policier français.

En 1930, le texte souligne que « la garde républicaine mobile est une force spécialement destinée à assurer le maintien de l’ordre sur tout le territoire. Elle fait partie des réserves générales en tout temps à la disposition unique du ministre de la Guerre. » Ce texte envisage la plupart des cas de figure liés à des attroupements - de la manifestation pacifique à l’émeute insurrectionnelle -, avec une gradation des moyens employés : du simple encadrement de la foule dans le premier cas de figure, et même de sa protection à l’égard de contre-manifestants, à la charge de cavalerie sabre au clair, par pelotons dans les cas les plus graves, qui nécessiteraient l’emploi des armes ; le pire étant envisagé… pour mieux le prévenir. Ainsi, en deçà de cette situation ultime précédant l’emploi des troupes de ligne, tout dans cette instruction vise à diminuer, autant que faire se peut, l’éventuelle violence d’une confrontation entre forces de l’ordre et manifestants. Pour cela, plusieurs qualités sont mises avant.

Extrait de l'instruction sur le maintien de l'ordre (1930)

© MDC Christophe Gonçalves

D’abord la capacité d’adaptation, la souplesse tactique, car « les directives relatives aux dispositifs à adopter pour le maintien de l’ordre ne doivent être en aucun cas considérées comme absolues et intangibles. Elles n’ont pour but que d’exposer des principes généraux, sans limiter en rien l’initiative des exécutants, qui doivent en toutes circonstances s’efforcer de remplir leur mission en évitant les conflits brutaux et sanglants. » Cette dernière phrase est la parfaite illustration d’un cadre qui est d’abord celui de l’enseignement d’une conduite individuelle à tenir et de moyens collectifs à déployer, bien plus que d’une « doctrine ».

Ce qui prime, ce sont donc d’abord des qualités humaines. Les aptitudes individuelles à la maîtrise de soi, les capacités professionnelles à l’auto-contrainte vis-à-vis des réactions violentes suscitées par les gestes et insultes des manifestants sont essentielles, car « beaucoup de fermeté, tempérée par le doigté acquis au cours de contacts fréquents avec la foule, une exacte et calme discipline, un haut sentiment du devoir et des responsabilités, telles sont les qualités spéciales que l’on est en droit d’attendre de la gendarmerie et qui sont la base de son action dans ses opérations. »

L’année 1930 est un repère commode, certes, pour l’histoire du maintien de l’ordre dit « à la française ». Mais elle ne doit pas occulter la lente maturation qui s’opère dès la Deuxième République, à partir de Paris et au sein de la Garde républicaine. Les détails de cette histoire sont peu connus, y compris des historiens, qui négligent l’importance des liens de la France à sa force publique depuis 1789, au moins, pour en comprendre les évolutions.

Dans la gendarmerie, cet héritage demeure également largement méconnu et il mérite pourtant qu’on l’analyse de près pour comprendre sa complexe sédimentation.

© MDC Christophe Gonçalves

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