OCLDI ET OCLAESP : double Empact pour les offices gendarmerie

  • Par la capitaine Céline Morin et Angélina Gagneraud
  • Publié le 15 avril 2018

S’appuyant sur l’expertise et la reconnaissance internationale de l’OCLDI et de l’OCLAESP, la gendarmerie a obtenu, au terme d’un lobbying efficace, le pilotage, pour quatre ans, de deux plateformes Empact à Europol, spécialisées dans la lutte contre les atteintes aux biens et la criminalité environnementale. Explications.

Devant la part croissante de la criminalité organisée transnationale, Europol contribue au développement de la coopération entre les pays membres - source, de transit ou de destination de ces différentes délinquances - à travers le financement annuel des Empact (European multidisciplinary platform against criminal threats - Plateforme européenne pluridisciplinaire contre les menaces criminelles). Près de 4 millions d’euros sont ainsi répartis chaque année.

Ces plateformes sont le fruit du « cycle politique de l’U.E. », véritable outil de lutte contre le crime organisé à la main des États membres. Ainsi, sur la base du bilan des menaces criminelles de chaque pays membre, Europol arrête une dizaine de priorités, soumises à la validation du Comité permanent de coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (Cosi).

Dans un subtil jeu d’influence et de négociations, les États membres volontaires peuvent ensuite être nommés driver sur l’une des priorités, c’est-à-dire le pilote, pendant quatre ans, d’une politique européenne de lutte contre une forme de criminalité organisée, et par ailleurs le gestionnaire du budget alloué par Europol à sa matière. Généralement associé à deux ou trois autres états (co-drivers), parfois même quatre, il s’appuie sur des pays leaders, qui seront chargés de monter les opérations techniques.

Une tribune européenne

Cette année, la France a ainsi obtenu le pilotage de quatre des dix plans d’action opérationnelle édictés par Europol. La gendarmerie, par l’entremise de l’OCLDI (déjà co-driver lors du précédent cycle) et de l’OCLAESP, prend plus spécifiquement la direction des Empact atteintes aux biens et criminalité environnementale. Outre deux autres positions de driver sur la criminalité financière et la lutte contre les fraudes documentaires, la France est également co-driver sur les problématiques des armes et des stupéfiants et leader dans le cadre de nombreuses opérations.

« Sur ces quatre priorités, la France va pouvoir imprimer le tempo pendant quatre ans, tant sur les axes de travail, que sur les modes d’action ou encore les moyens…, estime le colonel Olivier Pezza, coordinateur national Empact, à la Direction de la coopération internationale (DCI). C’est une formidable tribune, qui confère à notre pays un rayonnement au niveau européen et davantage de portance à sa voix. Ce positionnement ajoute à la crédibilité et à la légitimité de nos différents services de sécurité intérieure et nous permet de postuler pour obtenir des financements européens rattachés à d’autres programmes. »

Pour l’officier, dont le rôle est de coordonner l’action de tous les services engagés dans les Empact, mais aussi d’identifier, en lien avec les directions et les services nationaux, les positionnements favorables à la France, « la réussite de cet outil tient au fait qu’il est le fruit d’une réflexion conduite sur le terrain, puis fédérée au niveau européen dans une approche stratégique globale, avec surtout, à l’issue, des résultats concrets, en termes d’action de répression, de partenariats de prévention ou encore de formation ».

OCLDI : compléter le Spectre d’Empact

Pour mener à bien le pilotage de ces deux plateformes, le directeur général de la gendarmerie nationale a décidé la création de deux cellules dédiées à l’OCLDI et à l’OCLAESP. Au sein du premier office, quatre personnels arment la cellule projets européens, dirigée par la capitaine Élise Maillard : « Nous n’avons eu de cesse de répondre aux contraintes formulées par le terrain. Leurs besoins opérationnels, toujours croissants, ont justifié nos recherches de fonds. »

Avec 135 000 € de budget en 2018, Empact va permettre de financer des séminaires internationaux, d’organiser des réunions de coordination entre les enquêteurs et les magistrats des pays concernés, d’acheter des matériels spécifiques, de former les enquêteurs à leur utilisation et, enfin, de rémunérer les informateurs.

Dans le cadre du projet Spectre, l’OCLDI ambitionne de démanteler pas moins de 50 groupes criminels à travers l’Europe et de réaliser deux millions d’avoirs criminels sur deux ans.

© SirpaGend - MAJ F. Balsamo

« Parallèlement à notre démarche pour obtenir le drive sur Empact (NDLR : OCLDI en driver, Belgique, Allemagne, Roumanie et Espagne en co-drivers), nous avons répondu à l’appel à projet de la commission européenne dans le cadre du Fonds de sécurité intérieure (FSI). Nous étions déjà co-driver de l’Allemagne lors du précédent mandat et celle-ci nous a laissé la main tout en restant co-driver, avec la Roumanie et la Lituanie. Nous avons également reçu le soutien de plus d’une dizaine de pays partenaires », explique la capitaine Maillard. Avant de compléter :

« C’est la première fois qu’un pays obtient le drive sur Empact en même temps que sur celui du FSI. C’est une force opérationnelle considérable entre les mains d’un seul service ! »

Ce projet du FSI, nommé Spectre, arrive en complément d’Empact grâce à l’allocation d’une enveloppe de 813 000 €. L’objectif fixé dans ce cadre est ambitieux : démanteler pas moins de 50 groupes criminels à travers l’Europe et réaliser deux millions d’avoirs criminels sur deux ans.

Le lieutenant-colonel (LCL) Patrick Pégeot, commandant en second l’office, souligne la dimension européenne de ces projets : « Ces deux pilotages nous permettent de financer la lutte contre la criminalité organisée itinérante entre les pays partenaires, même si le dossier ne concerne pas directement la France. Les enquêteurs de différents États vont pouvoir se rencontrer et échanger pour lutter plus efficacement contre le crime organisé. La France, représentée par la gendarmerie, possède avec ces deux projets un rôle majeur d’animation et de coordination avec les polices européennes. »

OCLAESP : une première pour la criminalité environnementale

La criminalité environnementale (principalement les trafics de déchets et d’espèces protégées) est une thématique nouvelle dans le paysage des Empact. Pour cette première, l’OCLAESP a obtenu le drive au terme de négociations finement menées.

Le colonel Jacques Diacono, commandant l’office, l’explique : « Nous avons œuvré pendant un an et demi à ce que cette priorité soit prise en compte par l’U.E. qui, en l’absence de données significatives, ne l’avait pas identifiée comme telle. » En effet, à l’exception des gendarmeries sœurs, qui sont en capacité de démanteler des réseaux comme le fait l’office français, les polices européennes ne possèdent pas de structures dédiées telles que l’OCLAESP, ce qui limite la remontée de données.

L’OCLAESP a précédemment été leader de l’opération Mismed en matière de lutte contre le trafic de médicaments détournés à des fins psychotropes ou dopantes.

© SirpaGend - MAJ F. Balsamo

Selon le commandant d’office : « Notre stratégie a pu aboutir grâce aux connaissances des mécanismes de Bruxelles du LCL Christian Tournié, chargé des affaires européennes et internationales pour l’office, et de nos contacts auprès des agences, des douaniers et des pays partenaires. »

Il poursuit : « Par exemple, nous avons accompagné la Slovaquie qui souhaitait, durant sa présidence de l’U.E. au second semestre 2016, s’engager face à ces problématiques, mais qui n’était pas dimensionnée pour se positionner. Aujourd’hui, elle est co-driver sur cette priorité, avec les carabiniers et la garde civile. »

En qualité de driver, l’OCLAESP est en charge de la mise en œuvre opérationnelle de la priorité et de la gestion du budget alloué (135 000 €). Pour cela, une cellule, forte de quatre militaires dont le LCL Tournié en sa qualité de driver, est dédiée pour piloter la priorité.

Celle-ci a déterminé les objectifs stratégiques à mener : établir un état des lieux afin de renforcer les capacités des pays membres, ouvrir cette thématique à la dimension hors U.E., mener des enquêtes opérationnelles, saisir des avoirs criminels, amener une expertise en fraude documentaire, lutter contre la cybercriminalité. Pour l’année 2018, pas moins de 17 actions, validées par le Cosi, impliquant 25 États membres et plus de 40 services, sont en cours de lancement.

Elles concernent, notamment, les trafics internationaux de civelles ou encore les trafics de déchets qui polluent les sols et les eaux et menacent la santé des personnes exposées. « Tout reste à construire pour lutter contre la criminalité environnementale à l’échelle de l’U.E. », poursuit le commandant de l’Office.

Avant de conclure : « Cette réalité du terrain, fondamentale pour nos sociétés, est actuellement mieux prise en compte au niveau mondial, notamment via Interpol et l’ONU puisque cette dernière classe la criminalité environnementale au 4e rang des marchés criminels mondiaux. L’OCLAESP est d’ailleurs très fortement engagé auprès de ces organisations internationales, ainsi qu’auprès de l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. »

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