Les nouveaux experts du crime : plongée dans les enquêtes des experts du SCRC avec Jean-Christophe Portes
- Par la lieutenante Floriane Hours
- Publié le 12 février 2022
Rencontre avec Jean-Christophe Portes, journaliste, réalisateur de plusieurs documentaires et auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont de nombreux romans policiers, qui publie « Les nouveaux experts du crime », qui porte sur le Service central du renseignement criminel (SCRC).
Jean-Christophe Portes est journaliste, réalisateur de plusieurs documentaires et auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont de nombreux romans policiers. En 2018, une rencontre avec un colonel de gendarmerie, sur le stand d’un salon à Osny, le mène dans les locaux du PJGN (Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale), et plus précisément à l’IRCGN, l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale, une branche du PJGN. Fasciné par cet univers et par le profil des experts, il décide, en accord avec la gendarmerie, d’écrire un livre : « Les experts du crime ». Trois ans plus tard, il publie « Les nouveaux experts du crime », une sorte de suite, cette fois orientée sur un autre service de la gendarmerie appartenant également PJGN : le SCRC, Service Central du Renseignement Criminel.
« C’est vraiment les femmes et les hommes qui m'intéressaient »
Dans cet ouvrage de près de 350 pages, Jean-Christophe Portes propose au lecteur de partir avec lui, à la rencontre de 18 enquêteurs du SCRC, de leur histoire, leur parcours et leur spécialité. « Ce qui m’intéressait, ce n’était pas l’aspect purement technique et enquête, ce qui m’intéressait, c’était quel est le travail de ces gens, quelles sont leurs réactions face aux affaires difficiles, quelles sont leurs motivations, comment ils vivent parfois des choses très difficiles en essayant d’avoir une vie à côté, une vie comme tout le monde. C’est vraiment les femmes et les hommes qui m'intéressaient, plus que la technique, plus que les assassins », explique l’auteur.
Dans ce livre, qui peut se lire d’une traite ou par petits morceaux, chaque chapitre est indépendant du suivant et correspond à un gendarme, à une spécialité. L’ouvrage débute ainsi par l’histoire d’Aline Pagès (tous les noms ont été changés, NDLR), analyste comportementale. On y découvre son parcours, mais aussi le travail qu’elle réalise au quotidien, des missions bien loin du cliché des “profileurs” mis en avant dans les films policiers. S'ensuit une série d’autres portraits. Du gendarme qui travaille depuis des années au CNAIP (Centre National d’Analyse des Images de Pédopornographie) et dont la mission est d’analyser les images diffusées par les pédocriminels pour essayer de remonter jusqu’à eux, à la spécialiste des mouvements sectaires, en passant par les Anacrims, des analystes criminels opérationnels qui observent les liens logiques entre les données récoltées durant une enquête, pour en faire sortir des éléments majeurs. Des portraits qui, à travers la plume de Jean-Christophe Portes, sont racontés simplement, avec justesse et humanité.
Une dimension sociologique
Cette vision, presque sociologique, des hommes et des femmes de ce service, est ce qui a poussé l’auteur à s’intéresser, il y a plusieurs années, à ce milieu d’experts en criminologie. Bien loin des faits divers mettant en avant les victimes ou les agresseurs, le travail de ces gendarmes et leur vision des choses révèlent, selon Jean-Christophe Portes, une image bien plus juste de la réalité. « Ça [les faits criminels] raconte aussi la société dans laquelle on vit et c’est toujours intéressant de croiser le responsable du service de renseignement qui vous explique à quoi ressemble la délinquance aujourd’hui. [...] Ça remet un peu les choses à leur vraie place. » L’autre intérêt de Jean-Christophe Portes, qui a motivé l’écriture de cet ouvrage, est le souhait de mettre en avant des spécialistes de l’ombre, aux actions souvent méconnues. « Là, par exemple, il y a le procès Lelandais, et on dit les gendarmes, on ne dit même pas « les gendarmes » d’ailleurs, on dit « les experts » ont trouvé une goutte de sang, mais ils ne disent pas que ça a été un travail monstrueux pour aller désosser la voiture, pour tout fouiller et retrouver une toute petite goutte de sang, cachée sous les garnitures de la voiture. C’est ça qui est vraiment intéressant à raconter, c’est tout ce travail de fourmi dont on ne parle jamais et tous ces gens qui sont vraiment investis », indique l’auteur, avant de poursuivre, « On est dans un pays où la gendarmerie est capable de mettre d’énormes moyens pour des affaires pas du tout médiatiques, pour des affaires dont personne ne parlera jamais. Ça reste quand même une fierté de pouvoir montrer ça. »
« C'est difficile de raconter quelque chose de très technique »
Pour montrer tout cela justement, l’auteur a rencontré, durant plusieurs mois, des hommes et des femmes qui se sont confiés sur leur travail, souvent très complexe. Une complexité qui a été, pour l’auteur, l’une des principales difficultés. « C'est difficile de raconter quelque chose de très technique. Déjà il faut le comprendre. Ensuite, il faut arriver, quand on l’a compris, à l’expliquer et ça, ce n'est pas non plus très évident. Et puis, la difficulté, mais ça je le savais déjà, c’est qu’on ne peut pas évoquer d'affaires en cours. » Des enquêtes parfois très médiatisées, comme celle de la jeune Victorine, retrouvée morte noyée le 28 septembre 2020 à Villefontaine, en Isère, et où de nombreuses divisions du SCRC avaient été mobilisées.
Après l’IRCGN et le SCRC, Jean-Christophe Portes ne compte pas s’arrêter là et pense déjà à une possible suite. En attendant, il poursuit l’écriture de deux livres, dont l’un, un roman policier d’aventure, mettra en scène une lieutenante de brigade territoriale. Le deuxième sera le tome 7 de sa série sur le gendarme Dauterive pendant la Révolution. Des romans qu’il écrira désormais avec une tout autre vision, qu’il souhaite plus réaliste : « Dans la fiction, l’enquêteur traite l’affaire machin du début à la fin et on voit bien que ce n’est pas exactement comme ça que ça se passe. [Dans la réalité], ils n’ont jamais une affaire, ça s’accumule, ils ont toujours quelque chose en cours. Il n’y a pas une affaire avec un témoin, ce n'est jamais comme ça, ce n'est jamais clair, ce n'est jamais aussi simple. »
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