Le chef-d'escadron Jean VERINES

Le poilu

Jean Vérines est né le 16 avril 1894 à Brive-la-Gaillarde. Il débute sa carrière militaire en s’engageant le 1er septembre 1914 dans le régiment de Brive. Le sergent Vérines affronte le feu au sein du 147ème régiment d’infanterie. Il est blessé pour la première fois aux Eparges, le 16 juin 1914. Jean Vérines est cité à l’ordre de l’armée et la croix de guerre avec palme dorée lui est décernée. Devenu aspirant, il se retrouve en Picardie, près de Péronne. Il reçoit sa seconde citation à l’ordre du corps d’armée suite à l’attaque du 4 septembre 1916. Le 18, il est nommé sous-lieutenant. En 1917, son régiment est affecté dans la région de Berry-au-Bac, à dix kilomètres du tristement célèbre Chemin des Dames.

Le miraculé

Le 29 avril, le sous-lieutenant Vérines s’effondre sous l’effet d’une balle allemande qui l’atteint en plein visage. La blessure est terrible. L’œil est énucléé. Au cri du guetteur « Alerte », Vérines est sorti précipitamment au créneau afin d’observer. Il s’est hissé légèrement au dessus du parapet. C’est à cet instant qu’un sniper allemand le vise et l’atteint. C’est à l’appel de son nom qu’il doit la vie. En effet, au moment où il est visé, il détourne son regard et la balle ennemie l’atteint à l’œil droit et ressort entre l’œil gauche et le sommet du nez.

La gueule cassée

Pour Jean Vérines, la guerre est finie. Le voilà devenu une gueule cassée de la Grande Guerre. Outre la convalescence très longue, cette blessure entraîne une troisième citation. Le 28 janvier 1918, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur et quelques mois plus tard, il est promu lieutenant.

Jean Vérines à la Réunion

Le 30 juin 1919, il intègre l’école des officiers de la gendarmerie à Versailles. Il effectue un court passage à la compagnie de Saint-Jean-d’Angély, en Charente-Maritime. Il est ensuite affecté à la prévôté de l’armée d’Orient pour deux ans. Son séjour en métropole au retour du Levant est toujours aussi court. Il est désigné en novembre 1923 pour la Réunion. Il y est promu au grade de capitaine. Fin psychologue, il analyse rapidement le contexte réunionnais et acquiert une respectabilité auprès de tous ses correspondants, riches ou pauvres, salariés ou indépendants, patrons et syndicalistes. Les événements de 1936 allaient lui donner l’occasion, comme le précise Gilbert Saron, ancien directeur du cabinet du gouverneur de la Réunion, de prouver que le capitaine Vérines montrait la connaissance parfaite qu’il avait de son métier, et ses qualités d’observation et de psychologie.

Il deviendra même l’ami d’un célèbre prisonnier Abd-El-Krim, adversaire de la France et principal protagoniste marocain de la guerre du Rif.

Promu chef d’escadron le 25 juin 1936, décoré de la rosette de la Légion d’Honneur au cours de l’été 1937, après treize ans passés à la Réunion, l’heure de son retour en métropole est prévue pour le 4 août.

Jean Vérines à la Garde républicaine

Le chef d’escadron Jean Vérines s’installe à Paris au début de l’année 1938, après un congé de cinq mois qui lui permet de reprendre contact avec la vie de la métropole. Très rapidement, l’officier impressionne et inspire le respect. Sportif, Vérines devient le directeur des sports de la Garde. Il se montre novateur en mettant en place une section gymnastique qui lui survivra jusqu’à sa dissolution en 1981.

Mais évoquer Jean Vérines à la Garde républicaine c’est inexorablement parler de son attitude face à l’ennemi allemand.

L’ennemi se présente le 14 juin au matin dans Paris, ville déclarée ouverte la veille. Le chef d’escadron Vérines ressent une grande amertume. La capitale devait être défendue avec acharnement. Il n’en a rien été. Il s’attend à être fait prisonnier dans les heures qui suivent l’entrée des Allemands. Il met ses affaires en ordre. Il écrit à son épouse et parallèlement à son fils Guy. Le contenu est éloquent. « Petit Guy, deux mots à la hâte car je vais être fait prisonnier. Ordre est donné à la Garde de rester à Paris sans combattre...Courage petit et passe brillamment tes examens. Au cas où la lettre que j’écris en même temps à maman et tonton Emile ne leur parviendrait pas, tu leur feras savoir. Préviens l’Abbé et Marie-Louise. Je tremble de honte d’être ainsi obligé de rester…Mais le général gouverneur reste et nous garde avec lui. A bientôt, petit Guy. Je t’embrasse de tout mon cœur qui t’aime. Ton papa Jean. »

Le ressentiment est d’autant plus difficile que Jean Vérines doit accepter la présence de l’ennemi dans sa propre caserne. Ceux-ci occupent principalement le bunker au sous-sol de la caserne dans lequel se trouve le poste de commandement permettant de couvrir toute la défense aérienne de Paris. Dans ce contexte de l’Occupation, Vérines entrevoit la possibilité de résister. Reste à savoir que faire? Isolé, il ne peut rien faire. Or, au travers des réunions d’anciens combattants de son régiment de 14, ceux du 147ème d’infanterie, il espère nouer des liens avec des personnes partageant sa volonté de poursuivre le combat. Au gré du temps, l’amicale de ce régiment a été renforcée par des plus jeunes. Parmi ces hommes, André Visseaux. Vérines intègre le réseau Saint-Jacques par son entremise. Il permet à Vérines de rencontrer Maurice Duclos, gaulliste de la première heure, officier ayant combattu à Narvik et qui use d’un nom d’emprunt, Saint-Jacques, nom d’une station de métro sur la ligne Etoile-Nation. Les deux hommes se rencontrent à la mi-août à la caserne du Prince-Eugène. Ils tombent d’accord. Le médecin Chaïa est présenté. Le premier objectif pour le commandant est d’espionner les plages de Normandie car les Anglais s’inquiètent de savoir si les plages ne vont pas servir de base de départ pour attaquer la Grande-Bretagne. Après la bataille d’Angleterre, cette région reste primordiale en termes de renseignements. En quelques mois, Vérines met en place un véritable réseau de renseignements militaires dépassant le cadre de la Garde et de la région parisienne. Des civils s’ajoutent aux militaires. En juillet 1941, un de ses adjoints, le capitaine Martin, est arrêté sur la ligne de démarcation, à Bléré. Le même été, il perd le docteur Chaïa muté au camp de prisonnier de Châlons-sur-Marne puis il est avisé de sa nomination aux fonctions de commandant militaire des Invalides. C’est à ce moment que le réseau va être démantelé. La Gestapo procède aux arrestations durant deux mois. La sœur de Duclos est arrêtée. Le commandant Vérines apprend les arrestations par le capitaine Caillier, beau-frère de Marcel Haboult, arrêté en compagnie de son fils. En l’espace de deux semaines, quinze membres du réseau sont arrêtés par la Gestapo. Saint-Jacques poursuivi reçoit l’ordre de rejoindre Londres via l’Espagne. Que va faire le commandant Vérines en l’absence du chef? Le réseau comprend entre 20 à 25000 membres prêts à l’action. En septembre les arrestations reprennent; le travail du réseau ne fléchit pas, au contraire. Début octobre, le capitaine Germain Martin, à Tours et le colonel Emile Boilin à Amiens sont pris. Puis c’est le tour de l’abbé Roger Derry. L’étau se resserre sur Vérines.

L’arrestation du commandant Vérines

Les Allemands se présentent une première fois le 9 octobre à la caserne du Prince Eugène. Vérines est absent. Le lendemain 10 octobre, ils sont de retour. Il est huit heures lorsqu’ils pénètrent de force dans son bureau, l’arme au poing. Le capitaine Cailler a beau protester, après avoir été fouillé, le commandant est emmené.

Il semble que Vérines soit aussitôt incarcéré à Fresnes. Aucun témoignage, aucune trace dans les premiers temps ne permettent d’informer le commandement et la famille du sort du commandant. C’est quelques semaines plus tard, qu’un résistant chargé d’apporter du linge de rechange dans les prisons parisiennes que l’on apprend où est détenu le prisonnier. Les arrestations se poursuivent, le colonel Raby et le lieutenant Ernest Laurent sont interpellés à Tours. Entre août et octobre 1941, le réseau Saint-Jacques est entièrement démantelé mais le principe de cloisonnement permet aux gardes de ne pas être inquiétés. C’est Jacques Daroussin, lieutenant dans la Résistance, qui prendra la suite.

La captivité de Vérines en Allemagne

Après deux mois d'incarcération à Fresnes, il est transféré en Allemagne, le 9 décembre 1941, précisément à la prison de Düsseldorf. Là, il y retrouve sans le savoir le colonel Boillin. Le régime est celui du secret le temps de l’instruction qui dure près d’un an. Le commandant ne reçoit rien, aucun courrier, aucun colis de la Croix rouge. Ses lettres ne parviendront jamais à sa femme. La cécité l’atteint au fur et à mesure de son amaigrissement dû à la faim jusqu’à devenir totale. L’abbé Roger Derry, membre du réseau Saint-Jacques et prisonnier est d’un grand réconfort pour Vérines, profondément croyant. Les deux hommes ne se font pas d’illusion sur le destin. L’aumonier militaire, le père Merzbach témoignera, après guerre, dans un rapport officiel de son admiration pour le commandant.

Le 23 août, le procès intervient. Le président pose cette question pour le moins étonnante: pouvez-vous nous donner votre parole d’honneur que vous n’avez pas fait partie d’un réseau de résistance contre l’Allemagne?

La réponse ne peut qu’être négative. Le verdict tombe sans appel: la peine de mort. Le commandant, ancien de 14, comme le reste des condamnés, refuse de signer un recours en grâce adressé à Hitler. Durant les trois semaines qui vont précéder l’exécution, ils sont classés « Nacht und Nebel », Nuit et Brouillard, ce qui signifie qu’ils sont destinés à la disparition. Jean Vérines porte le matricule « N.N 401 ».

Ils sont transférés à la prison de Cologne, le 20 septembre 1943. Ils font escale à Rheinbach. Cologne est l’ultime lieu de leur calvaire. Le 9 octobre, le colonel Raby, l’ami et le supérieur dans la Résistance, le capitaine Morel, le premier à être arrêté à Tours, tombent sous les balles allemandes. C’est l’antenne tourangelle du réseau qui disparaît. C’est au tour de l’abbé Roger Derry. Il est décapité à la hache.

L’exécution du commandant Vérines

Le commandant demanda à s’entretenir avec l’aumonier militaire Gertgès. Le cortège est composé du gardien-chef et de l’aumonier. Vérines chante la Marseillaise, l’abbé Derry, quelques jours auparavant chantait un Te Deum. Jean Vérines est amené devant le poteau. Il refuse d’avoir les mains liées et les yeux bandés. Il se redresse. De sa main gauche, il montre aux soldats son cœur. L’officier lève son sabre. Le commandant crie « Vive la France ! Quelle vive ! ». L’ordre rauque ordonne l’ouverture du feu « Feuer ».

Le corps de Jean Vérines va reposer dans un petit cimetière de l’Ouest. Le père Gertgès note les lieux d’inhumation des N.N qui ne doivent pas être identifiés. Dégagé en 1945, le lieu de sépulture sera entretenu jusqu’en octobre 1948 par la Croix-Rouge française avant que le corps ne soit rapatrié et rendu à la famille.

Sources : Garde républicaine

Crédits photo : Garde républicaine

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